Tout à fait d'accord, le club est en train de rentrer progressivement dans un moule qui ne lui correspond pas, à la fois parce qu'on choisit de plus en plus de profils en rupture avec notre histoire et notre formation, mais également parce qu'on a beaucoup de mal à utiliser les profils de joueurs techniques et collectifs, dans une équipe qui peine à jouer au ballon.
Sur le plan individuel, je ne me remets pas de l'échange Meïté/Touré, sachant que ça faisait des années qu'on était à la recherche d'un défenseur polyvalent, rapide, costaud dans les duels, accrocheur, pas mauvais techniquement, et avec une super mentalité. Résultat, on l'échange dès que possible contre un gars dont le principal atout est la taille. Et encore, je trouve que Touré a beaucoup progressé, mais je suis persuadé que Meïté lui était supérieur à l'époque, et qu'en enchaînant les matches avec nous il serait encore meilleur aujourd'hui.
L'arrivée de Casoni a été la vraie rupture, et depuis on a eu beaucoup de mal à intégrer des joueurs techniques dans l'effectif. Quand on voit que des mecs comme Cafu, Wakaso, Wadja, Innocent ou encore Makengo ont été titularisés, ça interroge. Aujourd'hui encore, on a du mal à sortir d'un schéma avec trois centraux et deux milieux défensifs, et il faut vraiment qu'on soit dos au mur pour que Louza soit titulaire, alors qu'il est le dépositaire du jeu. Après je ne pense pas que ce soit uniquement une question de centimètres, c'est aussi une affaire de vision du football en effet. J'en veux pour preuve l'évolution assez notable de nos schémas offensifs.
Avant sous CG, on jouait avec deux pointes, et on avait un système qui valorisait beaucoup les attaquants. Les joueurs de couloir avaient pour tâche de combiner, dédoubler, provoquer, mais surtout de transmettre des bons ballons aux deux devant, à qui on demandait de marquer des buts. Depuis Casoni, ce ne sont plus les attaquants qui font le gros du travail offensif, mais les joueurs de couloir. On a commencé avec le repositionnement de Waris sur l'aile gauche lors de la Lorientada, puis Bouanga, Claude-Maurice, Wissa, Laurienté, Ouattara et enfin Faivre. De ce point de vue, Moffi est plutôt l'exception que la règle, et on ne peut pas occulter ses difficultés durant quasiment un an et demi, et ses fréquents repositionnements sur un côté sous CP. Les attaquants jouent souvent un rôle ingrat de pivot (Koné était très bon dans ce registre), ils aspirent la pression adverse, et créent des décalages pour le reste de l'équipe. Ca fonctionnait plutôt bien avec Moffi-Ouattara, parce que leurs caractéristiques étaient parfaitement adaptées à ce football. C'est clair que Kroupi-Faivre, ou Dieng-Ponceau, ce ne sont pas les mêmes qualités.
Et pourtant, dès qu'on essaie de mettre les ballons dans la surface, on se rend compte que nos attaquants font le travail (comme Bamba l'a montré). De ce point de vue, l'apport de Katseris nous fait énormément de bien, car il n'hésite pas à centrer fort devant le but. Le problème, c'est qu'on ne sait pas construire des actions qui débouchent sur des centres, avec des joueurs en faux pied qui manquent cruellement de soutien (faute d'un milieu ou d'un attaquant supplémentaire). On le fait bien par séquences, mais on sent qu'on panique très vite, et qu'on a du mal à installer notre jeu, à garder notre cohérence d'ensemble. Dès que ça coince, on dézone trop, on fait n'importe quoi sur les transmissions simples, on tergiverse... On a du mal à se dire qu'il vaut mieux jouer vers l'avant et prendre le risque d'un ballon difficile, plutôt que de multiplier les passes en retrait qui ne servent à rien.
La question du système est moins centrale que celle de l'animation : le 343 fait le travail quand on est capables de jouer haut et de faire le pressing, car c'est un dispositif déséquilibré vers l'avant qui ne peut fonctionner convenablement que quand on joue de manière ambitieuse. C'est quand on récupère haut que des joueurs comme Ponceau peuvent s'exprimer, en faisant parler leur technique pour accélérer les transmissions (à condition de le vouloir, et de jouer sur le déséquilibre, au lieu de toujours revenir en arrière). Le souci, c'est qu'on joue souvent à plat derrière, en 541, beaucoup trop bas et c'est là qu'on aurait besoin d'un joueur comme Ouattara ou Moffi, capable de percuter sur cinquante mètres pour faire reculer l'adversaire et faire remonter le bloc. On n'a plus ces joueurs, et pourtant on continue à tenter des percussions avec des poids plumes (Faivre pendant un moment, TLB, Ponceau).
Pour en revenir à Pagis, ses belles qualités de déplacement pourraient faire merveille dans une équipe qui essaie de jouer haut et avec le ballon, car il a tout à fait l'intelligence pour se positionner entre le défenseur et le milieu adverse, pour créer ce fameux déséquilibre. Le souci, c'est qu'il faut être accompagné d'une autre pointe pour que ça marche. On a le même souci avec Kroupi, excellent dans ses déplacements, mais qui ne peut pas être au four et au moulin, surtout avec son gabarit. On le fait jouer en pointe où il est dévoré par les défenseurs adverses, on le fait jouer sur une aile où il n'a pas les jambes pour percuter, mais on se refuse à essayer de le faire jouer à son poste avec un copain, où ses qualités de déplacement, de passe, sa vision du jeu et son sens du collectif pourraient faire merveille.
En résumé, on forme des joueurs qui ne sont plus adaptés au football qu'on propose, c'est la raison pour laquelle on sort des joueurs talentueux, mais qui peinent à s'exprimer ici. Le Fée aurait dû être l'homme de base de l'effectif, mais on a préféré le faire jouer un peu partout plutôt qu'à son poste (relayeur) pour ne surtout pas changer de système. Ponceau a été excellent en numéro 10 avec un relayeur derrière lui, mais on refuse de basculer dans un système qui le valoriserait (4231 ?) car il ne faudrait surtout pas prendre le risque de jouer avec seulement quatre défenseurs. On oublie trop souvent que la meilleure défense c'est l'attaque, et qu'on encaissait beaucoup moins de buts quand on arrivait à garder le ballon loin de nos cages, plutôt que d'empiler les défenseurs. Un attaquant un peu généreux (comme Pagis, ou Bamba) peut faire beaucoup plus de bien défensivement qu'un défenseur maladroit.
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