Gros coup sur la tête que ce match qui nous aura permis d'espérer jusqu'à la dernière seconde, avec même cette fausse joie sur le banc pour le but parisien refusé. L'espoir déçu est d'ailleurs la chose la plus terrible, il aurait été plus facile pour tout le monde qu'on assiste à un énième match insipide, et à une courte victoire à l'arrachée, pour se dire qu'on n'avait rien à regretter. Là, forcément, on repense à tous ces petits riens qui font une saison, ces buts encaissés de manière évitable, ces scores fleuves alors qu'on pouvait aisément serrer derrière...
Tout ne se joue pas à un but contre Clermont, évidemment, mais cela montre bien qu'avec un soupçon d'envie, de travail, de cohérence, on pouvait réellement faire mieux que cette piteuse avant-dernière place à laquelle RLB nous a condamnés depuis qu'il a décidé de périr avec ses idées plutôt que d'accepter une inflexion dans sa stratégie.
Loin de moi l'idée de faire ma Cassandre, mais nous étions nombreux à pointer du doigt le manque de présence dans la surface, et l'incapacité d'un attaquant seul à faire des différences. Hier, comme par enchantement, le fait de jouer avec deux attaquants et d'amener de la pression devant a totalement fait exploser le verrou clermontois, chez une équipe certes démobilisée, mais qui avait quand même préparé son match et ne souhaitait pas en prendre cinq (encore moins six). On a vu des courses offensives, des appels dans la profondeur, de la verticalité, de belles séquences amenant des décalages sur les côtés. Les joueurs ont ENFIN joué comme s'il s'agissait d'une finale. Que se serait-il passé si on avait pris de tels risques sur les huit derniers matches ? N'aurions-nous pas pu glaner au moins un point supplémentaire ? Voire un petit but ? Hier soir, tout le monde pouvait marquer, comme en attestent les buts du revenant Dieng, ce qui tendrait à montrer que le système et l'animation sont peut-être un peu responsables de la méforme de certains joueurs qu'on a foutu au placard.
La composition alignée était une hybridation entre les attentes des RLB (541 en phase défensive, avec des ailiers amenés à faire le jeu en transition) et les attentes des supporters (avec un 532 en phase offensive). Tosin notamment a montré de meilleures choses en pointe que sur tous les matches où il a été aligné sur une aile. Sa capacité à prendre la profondeur, mais également à jouer intelligemment dos au but, ainsi que ses combinaisons avec Bamba, ont posé de sérieux soucis au milieu de terrain adverse. Il n'a pas tout bien fait, évidemment, ce qui aurait été miraculeux pour un joueur en manque de rythme, de confiance et d'automatismes avec ses partenaires. Mais sa frappe lourde et bien placée, admirablement sauvée par Diaw, aurait mérité meilleure fin. C'est sûr que c'est plus facile quand on fait jouer les joueurs à leur poste.
Au milieu de terrain, on a vu un Ponceau impérial, excellent dans les transmissions, capable d'accélérer le jeu avec beaucoup d'aisance, tout en ayant un abattage considérable sur le plan défensif (que de retours judicieux pour casser les contres adverses !). Sa sortie nous a fait perdre en maîtrise, alors qu'une réorganisation tactique s'imposait. On souhaitait marquer des buts, cela valait-il le coup de rester à cinq derrière, alors que Clermont avait du mal à ressortir les ballons ? Etouffer le milieu de terrain en y ajoutant de la densité (un milieu Louza-Abergel-Ponceau aurait totalement dominé cette partie), et jouer sur la qualité balle au pied de ces joueurs aurait peut-être pu forcer la décision. On ne le saura jamais, mais on restera avec d'immenses regrets cette saison de ne pas avoir sacrifié cette maudite défense à cinq pour amener davantage de monde devant.
Je suis à la fois triste et très heureux pour Abergel, car son but récompense une saison encore une fois exceptionnelle. Ce capitaine courage restera pour moi un des plus grands joueurs passés au FCL sous l'ère Fery, à la fois sportivement mais aussi humainement. Je n'oublierai jamais ses larmes alors que le public scandait son nom, pas plus que je n'oublierai sa réaction sur son but d'hier soir. Il aime le FC Lorient, infiniment plus que nombre de cadors recrutés à prix d'or pour vendre des maillots et faire grimper le nombre d'abonnés sur les réseaux. Il aime ce club, et il avait à cœur de se racheter de cette erreur terrible d'il y a quelques semaines. Son but, une vraie délivrance, un but comme il sait les mettre pour nous avoir déjà gratifié de quelques pépites comme ça, vient parachever une saison remarquable pour un joueur remarquable. Je ne sais pas s'il continuera l'aventure au FC Lorient, il peut encore prétendre à jouer quelques années au plus haut niveau, mais en même temps il est tellement à sa place chez nous que j'ai le fol espoir de le voir rester contre toute logique. Idem pour un joueur comme Laporte, qui n'est peut-être pas le meilleur défenseur de L1, mais qui reste attaché à ce club, et qui a encore livré une grosse partie hier. Pour moi, il a éclipsé F. Mendy (bon sur l'homme, mais vite limité sur le plan offensif) et Talbi (inhabituellement emprunté malgré quelques montées rageuses en début de partie). Ce n'est pas bling bling, ce n'est pas vendeur, mais sur le plan des valeurs c'est encore une fois un joueur irréprochable. Un pilier sur lequel on aurait pu bâtir quelque chose, si on n'avait pas choisi de le remplacer par des joueurs comme Touré ou Adjei, dont l'absence n'a absolument pas pesé dans la balance... bien au contraire.
La saison prochaine se profile déjà, et les ajustements doivent être faits rapidement.
La question de l'entraîneur est à régler en priorité, dans un sens ou dans l'autre. Maintenant que la saison est terminée, il me semble évident qu'un départ de RLB est à l'ordre du jour. L'impuissance du FC Lorient tout au long de la saison aura été criante, avec quasiment deux buts encaissés par match, et une attaque amorphe. Les investissements consentis sous sa houlette n'auront pas été bénéfiques, et mettent le club en danger sur le plan sportif avec cette descente, mais également sur le plan financier. L'identité de jeu s'est partiellement perdue, avec une équipe ultra-défensive, capable de bien jouer par séquences, mais anesthésiée par des consignes contradictoires, des chamboulements d'effectifs permanents (a-t-on déjà joué deux fois d'affilée avec le même onze ?) et une gestion des hommes qui laisse grandement à désirer (Le Goff, notamment).
Tout est à reconstruire, de fond en combles, et trouvant un bon équilibre entre une opération remontée immédiate qui ne devra pas se faire en sacrifiant nos idées de jeu, et ce "football autrement" qu'on aime afficher partout sans pour autant en faire un principe fondateur, un cap à suivre. Parmi les entraîneurs sur le marché, j'admets ne pas connaître assez la philosophie des uns et des autres pour savoir ce qu'ils voudraient et surtout pourraient mettre en place au FC Lorient. Des paroles aux actes, il y a parfois un gouffre, et je suis persuadé que dans le discours, Landreau, Pélissier et RLB avaient de belles intentions. On a vu le résultat, et je ne suis pas persuadé que ce soit lié à trois erreurs de casting. La gestions des egos dans le vestiaire, la question de la discipline, du travail et de l'investissement personnel, le degré d'exigence individuelle et collective des joueurs... Cela fait des années que quelque chose pourrit dans ce club, cela fait des années qu'on se plaint des mêmes maux : des joueurs corrects qui ne progressent pas vraiment, des joueurs prometteurs qui rentrent dans le rang voire régressent, des joueurs fatigués, incapables de tenir 90 minutes, une défense friable, qui peine à dominer un match. A mon avis, tout cela implique une restructuration plus profonde.
Peut-être qu'on devrait essayer de changer de modèle tout simplement, amener de la fraîcheur et du renouveau. Le beau jeu peut s'exprimer de plusieurs manières. La possession de balle est-elle un moyen ou une fin ? J'ai beaucoup apprécié le jeu d'un Prandelli en Italie (malgré une défense à cinq), et le football chilien, inspiré par Bielsa, aurait certainement des leçons à nous apprendre. Tous deux reposent sur une grosse intensité, sur des courses importantes, sur des joueurs capables de se sacrifier pour le collectif. Ne peut-on pas, nous aussi, évoluer vers des profils plus complets, alliant technique et physique ? Le "football autrement", cela ne pourrait-il pas être de casser à Lorient cette idée qu'en France les joueurs sont fainéants et rechignent à faire les efforts ? Travailler différemment ? Davantage ? Mieux ?
Gourcuff avait su insuffler cela à ses joueurs. Le travail était au centre de tout. Le travail millimétré, la précision dans tous les domaines, jusqu'à l'écart idéal entre les joueurs - dont certains se moquaient à l'époque. Force est de constater que sans cette rigueur absolue, nous ne sommes pas grand chose. Sans cette exigence de tous les instants, on peut effectivement encaisser deux buts par match et être conduits vers la Ligue 2. Pourtant, CG n'avait pas eu besoin d'un centre d'entraînement ultra-perfectionné, ni d'un adjoint psychologue, ni d'un budget faramineux, ni de joueurs internationaux... Du travail, de l'humilité (chaque saison, l'objectif était le maintien), et l'envie de proposer quelque chose. On en a vu des purges, pourtant, mais jamais je n'ai perdu de vue l'ambition supérieure, le plan de jeu, la cohérence de l'ensemble. CG avait ses défauts, mais on a peut-être trop oublié ses qualités, et que ce qu'il a apporté au club ce n'est pas seulement le 442, c'est toute une éthique, toute une vision du football, voire un idéal des relations interpersonnelles, qu'on ne retrouve plus aujourd'hui au FC Lorient.
C'est cela qu'il faudra rebâtir.
Ou bien accepter d'enterrer le "football autrement" et de n'être qu'un club comme les autres en France.
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