Match désastreux des Lorientais qui ont sombré collectivement et (pour la plupart) individuellement sur un match qui n'était pas hors de notre portée, Monaco n'ayant pas eu à beaucoup forcer pour l'emporter. La réaction de Le Bris à la mi-temps (triple changement, il faut le souligner) montre bien qu'il a fait les mêmes constats que nous sur les 45 premières minutes, mais surtout qu'il a jugé que les joueurs en question n'étaient pas en mesure de proposer mieux en seconde. Je trouve que la sanction est sèche pour un joueur comme Diarra, par exemple, qui avait l'occasion de prendre des points après ses entrées assez mauvaises, en profitant de la blessure de Faivre. Sortir au bout de 45 minutes comme ça, c'est que RLB a clairement voulu lui faire passer un message très fort. Pareil, la sortie de Makengo doit envoyer un signal fort à tous les joueurs : recruté 10 millions ne veut pas dire intouchable. C'est un des rares points positifs de la soirée, et j'espère que RLB continuera à opérer les mêmes choix forts : psychologie et compréhension du joueur d'un côté, mais exigence et sanction pour les joueurs qui ne proposent rien de l'autre.
Et encore, heureusement qu'il n'y avait que cinq changements, car on aurait pu faire sortir du monde aujourd'hui. Silva et Le Goff ont été particulièrement fébriles derrière, Abergel et Talbi qui d'ordinaire sont assez sereins ont montré beaucoup d'hésitations balle au pied et ont accumulé les passes mal ajustées, un peu trop longues, un peu trop courtes, pas assez fortes. A mon avis, cette défaillance quasi-totale de l'effectif (à l'exception notable de Meïté que j'ai trouvé très impliqué) ne peut pas s'expliquer par le seul facteur individuel : il y a forcément un facteur collectif, tactique, qui n'a pas permis aux cadres de trouver leurs marques et de jouer leur football.
De manière générale, on a eu énormément de difficulté à casser le premier rideau et à trouver le joueur capable de nous mettre dans le bon sens. Les schémas d'attaque sont redondants et prévisibles. On commence souvent par des circuits courts classiques (défense, milieu, défense, milieu) pour casser le pressing, mais on n'a pas su voir que les Monégasques n'étaient pas particulièrement agressifs sur le porteur de balle. Ils attendaient plutôt le contrôle un peu long, ou la perte de balle sur une transmission désespérée pour surgir. Résultat, nos circuits mi-longs (quand le défenseur casse une ligne pour trouver un milieu haut sur le terrain, Makengo/Ponceau, ou bien Diarra/Cathline) ont été particulièrement faciles à lire. En avant-match, j'espérais qu'on jouerait davantage notre chance dans la profondeur, et on n'a pas du tout été en mesure de le faire car on a absolument voulu jouer propre et dans les pieds dans un match où on avait les jambes tremblantes et des pieds carrés. Deux situations me viennent particulièrement en tête.
Premièrement, les relances sur six-mètres : on joue systématiquement avec Talbi et Meïté dans la surface, le premier effectuant fréquemment la mise en jeu en jouant sur Mannone. L'intérêt de ce bloc bas est d'aspirer l'équipe adverse pour la forcer à se découvrir : les attaquants sont sur la ligne des 18 mètres, tandis que les défenseurs sont sur la ligne médiane, ce qui étire considérablement le bloc et laisse logiquement des espaces dans l'entre-jeu, et dans le dos de la défense. Quel intérêt d'une telle prise de risque si c'est pour jouer des circuits courts (Talbi pour Mannone, qui remet à Talbi, qui met à Le Goff, qui remet à Talbi, qui met à Abergel, qui remet à Talbi) ? On casse un pressing sans avoir rien construit, et en étant toujours dans nos 18 mètres. Au début de saison, on savait accélérer sur ces phases de jeu, et transmettre plus rapidement le ballon à nos milieux (Le Fée, Ponceau, Abergel) qui avaient pour mission se retourner et de mettre en orbite nos flèches devant (Ouattara, Le Bris, Moffi). En quelques passes, on pouvait se retrouver dans des situations dangereuses, et on posait donc un vrai dilemme aux défenses adverses : presser, au risque de prendre une estocade, ou reculer, et nous laisser gentiment construire. Aujourd'hui, on se prend les pieds dans le tapis en jouant à l'envers : on aspire l'adversaire sans mettre en place ce qu'il faut pour le punir. Si on ne le fait pas exprès, c'est qu'on n'est plus capables de le faire (Faivre n'est pas Ouattara, Dieng n'est pas Moffi), et donc on trouve des schémas plus adaptés aux profils qu'on a devant.
Deuxième phase qui révèle bien les contradictions de notre jeu : les récupérations hautes. Quand on arrive péniblement à gagner le ballon au milieu de terrain, on a tendance à jouer deux schémas d'attaque. Dans deux-tiers des cas (en tout cas c'est l'impression que ça donne), on remet le ballon derrière, indépendamment de la réaction de l'équipe adverse. On casse nos propres actions de contre par des décisions complètement contre-productives, aggravées par le fait qu'on joue avec des ailiers en faux pied qui doivent ralentir pour revenir dans l'axe, naturellement plus dense. Résultat, on étire notre propre bloc (nos attaquants partent dans un sens, le ballon dans l'autre), et on densifie celui de l'adversaire (puisque tous les joueurs se regroupent logiquement, en pensant qu'il va y avoir un contre). Comme on n'a pas la qualité technique du PSG, on doit recréer une phase d'aspiration du bloc adverse, et donc on redescend très bas, fréquemment jusqu'au gardien, pour relancer une phase offensive. A quoi bon récupérer le ballon si haut, dans ce cas ? Autant maintenir la cohésion du bloc, jouer bas à la Pélissier, et faire d'une pierre deux coups : aspiration et contre-attaque. Dans l'autre cas, quand on se décide à jouer les contres, on voit très rarement les joueurs faire les bons choix, ce qui révèle un certain degré d'impréparation. On a trop peu de passes en profondeur bien dosées, comme on pouvait en voir à l'époque avec Moffi ou Ouattara, et le porteur du ballon à tendance à essayer de perforer seul sans se soucier du soutien (résultat, il revient souvent en arrière). Nos ailiers ont tendance à faire des courses erratiques, généralement dans l'axe, si bien qu'ils marchent sur les pieds de l'attaquant qui normalement leur dégage de l'espace. On ne voit quasiment pas de courses croisées censées poser des dilemmes à la charnière. On ne voit pas d'appels courbes de la part de l'attaquant de pointe (partir d'une position légèrement excentrée pour attaquer la ligne de hors-jeu entre le défenseur central et l'arrière, précisément pour dégager de l'espace aux joueurs d'aile). On ne voit pas non plus de permutations/décrochages quand un joueur tente de percuter balle au pied (un bon décrochage pour aspirer le central, pendant que le milieu plonge dans l'intervalle). Généralement, tout le monde court un peu au hasard vers le but, en comptant sur la chance.
Contre Monaco, on a multiplié ces deux situations, au point que c'en était ridicule. Les Monégasques étaient dans l'adaptation permanente à notre football, exploitant toutes nos erreurs, pendant qu'on essayait péniblement de répéter une partition apprise par cœur, sans prendre en compte la réalité. On n'a pas vu que le pressing monégasque était très inégal, et qu'on pouvait largement essayer de se retourner au milieu de terrain pour accélérer les transmissions, donner de la verticalité, et mettre leur bloc à l'épreuve. On a mis beaucoup de temps à voir qu'ils verrouillaient très bien l'axe du terrain mais qu'ils étaient beaucoup plus friables sur les ailes, où des joueurs lancés sur leur bon pied (Yongwa, Silva) pouvaient faire très mal en multipliant les centres, là où des joueurs arrêtés et en faux-pied (Diarra, Cathline) tombaient dans la nasse. Devait-on attendre 45 minutes pour s'en rendre compte, ou bien était-il possible de tenter une permutation au bout de 25-30 minutes ?
Quant aux ballons en profondeur, Dieng n'a pratiquement pas été servi (et quand il l'a été, il a trouvé le moyen de glisser), mais on a vu que dès qu'on essayait de mettre de la verticalité dans le jeu on pouvait les bouger. Il est simplement rageant de devoir attendre d'être mené 3-0 pour s'en rendre compte, alors que le début de match devait nous inciter à jouer beaucoup plus vite vers l'avant pour au moins les faire douter un peu.
Le Bris avait déclaré en début de saison pouvoir mettre de l'intensité, et produire un football offensif fondé sur des principes relativement pragmatiques. Depuis un moment, on voit moins cette spontanéité, cette prise d'initiative des joueurs, qui faisait la réussite du club. On voit plus de mouvements stéréotypés, et des joueurs enfermés dans un registre peu efficace (c'est vrai pour Faivre, c'était vrai aujourd'hui pour Cathline et Diarra). On voit moins les effets positifs de la psychologie et de l'écoute, et au contraire on voit davantage de joueurs qui reproduisent les mêmes mauvaises prestations semaine après semaine. Je ne dis pas que le système Le Bris est cassé, attention, mais qu'il a besoin d'un nouveau souffle. Le 343 a super bien fonctionné contre Marseille à domicile : si les joueurs se sentent à l'aise dans ce schéma, pourquoi ne pas le retenter pour la fin de saison ? Cathline a fait un super match à droite la semaine passée : pourquoi ne pas l'essayer plus régulièrement à droite, au détriment d'un Diarra qui déçoit depuis plusieurs semaines ? Le 4231 sans Le Fée est beaucoup moins performant, car on n'a pas ce meneur de jeu reculé capable d'organiser le jeu de façon fluide. Pourquoi ne pas réorganiser le système, jouer en 442 avec Dieng et Koné, et exploiter davantage les ailes avec des centres ? Une aile Le Goff-Yongwa et une aile Silva-Le Bris ou Kalulu-Silva ne pourrait-elle pas alimenter nos attaquants convenablement ?
Pour la saison prochaine, je ne suis pas particulièrement pessimiste concernant Dieng, ou Makengo (on en a connu plein qui ont eu des débuts hésitants), mais si on ne profite pas de cette fin de saison pour faire les expérimentations nécessaires et tenter des choses différentes, on perd un temps précieux qu'on pourrait regretter à la même période en 2024.
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