Je crois que le débat était tout de même un peu plus nuancé que "héros ou zéro", et puisque les décisions échappent aux supporters, tout ce qu'il nous reste c'est de pouvoir commenter l'existant. En l'occurrence, je crois me souvenir que quand RLB a été confirmé pour cette saison et qu'il a eu les pleins pouvoirs, peu de gens ont manifesté un enthousiasme débordant.
On était davantage sur ce que rappelle calzone : une observation prudente, en se disant qu'avec tout le cinéma de l'été, il allait maintenant falloir confirmer.
RLB a eu une première saison à deux visages, avec un début enthousiasmant et une suite plus compliquée. Cette année devait nous donner des éléments de réponse pour savoir s'il allait pouvoir reproduire les bonnes prestations du début de saison dernière, ou poursuivre sur la lancée de la seconde partie de saison plutôt décevante. Force est de constater que pour le moment, on attend toujours le jeu léché, les promesses en termes d'intensité, d'intentions collectives et de volonté de jouer vers l'avant. Cela va bien au-delà, d'ailleurs, des résultats comptables puisqu'il n'aurait pas été déshonorant de perdre contre le PSG, Nice ou Lille. La défaite contre Nantes est lourde sur le papier, décevante dans le contenu, mais pas de l'ordre de l'improbable quand on compare nos deux clubs.
Ce qui est plus gênant, c'est que RLB se posait en garant d'une certaine identité du FCL, et qu'il peine à donner le bon cap à cette équipe. Sportivement, on n'y est pas avec cette défense à cinq, ce bloc bas toujours prêt à subir, cette absence de véritables relais au milieu de terrain et ces longs ballons devant. Dans l'état d'esprit, on s'appuie davantage sur des joueurs capables de faire des différences individuelles plutôt que sur la force d'un collectif bien huilé, complémentaire, capable de transcender les fragilités de chacun par la cohésion, l'esprit de bloc. Sur le plan humain, on ne peut pas dire que RLB ait parfaitement convaincu en raison de ce qui s'est passé l'été dernier, et on ne peut pas non plus occulter le traitement curieux de certains joueurs (pas toujours mis dans les bonnes conditions, voire totalement placardisés). Sur le plan du recrutement, je rejoins un commentaire précédent de Chawax, on s'éloigne beaucoup de notre ADN (recruter malin, et garantir la santé financière du club en s'appuyant sur des révélations sportives). RLB poursuit la mue du club, avec des recrutements très coûteux et pour le moment plutôt ratés (Cathline, Dieng, Makengo, Mvuka), alors qu'à côté les recrutements moins chers donnent plutôt satisfaction (Yongwa, Talbi, Kalulu). On passe d'une équipe plutôt proactive, soucieuse d'imposer son style de jeu (un 442 discipliné en défense, mobile en attaque, désireux de jouer au sol, de trouver des intervalles, de jouer l'évitement, de réduire les touches de balle) à une équipe à réaction cherchant plutôt à gêner l'adversaire par un positionnement bas qui réduit les espaces, et à se projeter ensuite très vite vers l'avant, mais sans réel plan sur la façon d'y parvenir.
C'est, je crois, cette mue que les supporters commencent à avoir du mal à accepter, et pas nécessairement pour les raisons que l'on croit. Certes, une partie non négligeable des fans du FCL n'adhère pas au style plus direct et moins recherché qui se met en place (et qui s'était déjà instauré depuis Casoni, raison pour laquelle je crois que son passage a été un des plus grands désastres dans l'histoire sportive récente du club). Toutefois, RLB nous avait vendu autre chose, et sa nomination se voulait précisément en rupture avec cet héritage minimaliste et ce football pragmatique. Il était censé ramener l'équilibre, non pas dans la Force, mais dans le jeu en nous garantissant un football plus audacieux, plus créatif, sans sacrifier pour autant les principes de base d'un club de football professionnel. C'est la raison pour laquelle on a accepté de licencier Pélissier au prix que cela coûtait, c'est la raison pour laquelle LF a accepté la restructuration de l'organigramme, pour laquelle il a validé les transferts coûteux, etc.
Si on cherchait un entraîneur pour jouer en bloc bas, à cinq derrière, sans véritable capacité à construire une architecture offensive plus ambitieuse, Pélissier faisait le job. Je ne dis pas que je préférais les prédécesseurs de RLB, loin de là, mais n'oublions pas le contexte de son arrivée, et les attentes légitimes qui pèsent sur lui en raison de cela.
Je ne remets pas en question le poids des départs (Moffi, Laurienté, Ouattara, Le Fée) qui ont considérablement affaibli l'équipe. Je pense que Fery a probablement une part de responsabilité là-dedans, et que l'arrangement merdouilleux avec Bournemouth (Ouattara contre Faivre, en gros) n'est pas en notre faveur. Pas si l'on tient compte du projet de jeu de RLB, et de l'équilibre global de l'équipe. Par contre, pour conserver de la nuance dans l'analyse, je ne crois pas qu'on puisse sous-estimer le rôle joué par RLB dans le recrutement de l'intersaison et dans les ratés réguliers qu'on observe depuis août.
Les moyens étaient disponibles pour compenser le départ de Le Fée, qui n'était pas une surprise. Résultat, on préfère s'appuyer sur Makengo et faire l'économie du recrutement d'un bon milieu relayeur. La rumeur Van de Beek m'a fait vibrer un moment, mais ressemblait davantage à un coup (comme B. Mendy ou Bakayoko) qu'à un véritable recrutement pensé pour rééquilibrer le 11 type. Cela signifie que le staff (RLB en tête) estimait qu'un tel profil au milieu n'était pas nécessaire. Tellement pas nécessaire qu'on a même laissé partir Aouchiche qui, même s'il n'avait pas été transcendant, pouvait peut-être rendre des services dans l'entrejeu. Résultat, on perd deux milieux créatifs, on gagne un milieu défensif. Quant à Kari, alors qu'il a toujours été très intéressant sur ses entrées l'an passé, on a failli le perdre parce que le club n'a pas su lui faire confiance, et il a fallu faire des pieds et des mains pour qu'il accepte de prolonger son prêt... Espérons que cela nous serve de leçon et qu'on lui donne davantage sa chance. Défensivement, on avait une ligne plutôt cohérente (à deux ou à trois) avec Talbi en patron, Laporte en taulier (inégal mais plutôt fiable malgré tout), Meïté en jeune prometteur. Devait-on à ce point se séparer de Pétrot, qui aurait été un quatrième défenseur de qualité, pas cher et plutôt fiable ? Certes, c'était sympa de le laisser revenir dans son club de cœur, mais était-ce nécessaire ? Le recrutement plutôt intéressant de Formose Mendy se justifiait peut-être, mais celui de Touré ? A-t-on vraiment gagné au change ?
Offensivement, certes les départs de Moffi et Ouattara ont fait très mal au collectif, mais c'est RLB qui a voulu Dieng et qui a beaucoup insisté pour l'avoir dans son effectif. C'est qu'il devait voir en lui quelqu'un capable de s'intégrer dans son projet de jeu, et même s'il est en méforme, il devait tout de même avoir des qualités appréciées par le staff, non ? Pourquoi avoir déboursé tant d'argent pour ne même pas l'inclure dans la feuille de match aujourd'hui ? C'est RLB qui recrute Tosin, qui dépote en attaque sur ses premières apparitions, tout ça pour le mettre au poste de milieu gauche où son rendement est clairement moins bon. Comment l'expliquer ? Certes ce n'est pas Moffi, mais il est certain qu'il ne sera pas le buteur espéré si on se contente de l'utiliser pour colmater les brèches à gauche.
Cela fait beaucoup d'incohérences, qui fragilisent naturellement un entraîneur qui a fait en sorte d'être le seul maître à bord. Comme le dit calzone, il faut maintenant assumer.
Personnellement, j'ai toujours confiance en RLB, je crois que l'homme est intelligent, passionné et qu'on souffrirait bien davantage avec un entraîneur minimaliste. Par contre, je suis convaincu que la voie du pragmatisme absolu n'était pas la bonne, et qu'il s'en rend compte maintenant. Quand il se dit déçu par ses joueurs qui n'ont pas su montrer plus d'allant offensif, je le rejoins. Quand il se dit satisfait par sa défense (qui est repassée à quatre autour de la trentième, d'ailleurs), je le rejoins aussi. On a beaucoup subi, mais on n'a pas été étouffés comme cela a pu être le cas par le passé. Prendre des buts, cela arrive, et cela arrivera toujours.
Par contre, je crois que le retour aux fondamentaux se doit d'être accéléré. Physiquement, on n'est pas au niveau de la Ligue 1 avec trop de joueurs qui manquent d'intensité (Faivre, Touré, Ponceau), qui sont encore un peu justes physiquement à cause de blessures (Bakayoko, B. Mendy), ou qui manquent tout simplement de puissance (Le Bris, Mvuka, Diarra, Silva) à des postes où les duels sont fréquents et où on ne peut pas faire l'économie de la dimension athlétique. Après trois mois de compétition, on devrait voir des progrès, on devrait voir les joueurs les plus frêles s'épaissir et mieux gérer les duels. Là, ce n'est pas le cas. Techniquement, l'équipe est encore trop fragile, avec des joueurs qui affichent un niveau assez préoccupant (Dieng, Touré) et d'autres qui demeurent trop moyens pour vraiment faire la différence en L1 (Makengo, Kalulu). On peut être plus indulgents avec Touré, qui vient d'arriver, mais vraiment les progrès des autres sont trop limités, et ça c'est de la responsabilité de l'entraîneur.
Mentalement, on a beaucoup de joueurs qui lâchent quand la difficulté est là, et très franchement je ne sens pas l'apport de notre adjoint psychologue de ce point de vue. Le même qui a été débauché par RLB, et qui devait normalement constituer un des atouts du club. Les joueurs qui doutent (Dieng, Grbic) ne semblent pas réussir à surmonter leur traversée du désert, le onze type ne brille pas par son mental d'acier (on craque au bout de dix minutes contre Reims, et ensuite on est sous l'eau quasiment tout le match), et les entrants n'apportent pas toujours la fraîcheur mentale dont on aurait besoin, la lucidité qui permet de mieux gérer une fin de match. Je ne sais pas ce qu'est censé apporter un psychologue à une équipe de football, mais j'imagine qu'on doit osciller entre la sérénité et l'envie de tout défoncer sur le terrain. Le FCL de RLB brille trop souvent, hélas, par une absence de l'un et de l'autre.
Je ne reviendrai pas trop longuement sur les choix tactiques, que j'ai déjà pu commenter par ailleurs, mais on doit quand même interroger la responsabilité de RLB sur certains détails qui interpellent. L'absence de tireur de CPA désigné (comment Ndiaye peut-il tirer un corner quand Faivre est sur le terrain ?) est un problème. Le fait de jouer des corners à deux quand on a un géant dans la surface est un problème. Le fait de lancer de grands ballons devant quand notre attaquant est un gamin de 17 ans dont les qualités sont surtout la technique et le jeu dans les intervalles, cela aussi pose problème. Pélissier avait au moins la lucidité, dans sa défense à cinq, de mettre un char d'assaut et un bolide aux avant-postes pour peser sur les défenses adverses.
Je ne dis pas qu'il faut se débarrasser de RLB, mais il a su transformer une équipe moribonde en machine à gagner la saison passée, en même pas deux mois. Il en est capable. Quand il dit que l'équipe manque de vécu collectif, c'était tout aussi vrai à son arrivée quand il a réorganisé toute la défense (arrivées de Mvogo, Kalulu et Talbi). On ne peut pas dire que Ouattara et Moffi avaient joué des heures ensemble. On ne peut pas dire que le trio Le Fée-Abergel-Ponceau avait accumulé des heures et des heures d'expérience ensemble avant son arrivée. On ne peut pas dire que TLB était un vétéran de l'équipe quand il enchaînait les bonnes performances.
On peut analyser les choses de deux manières. Soit RLB avait les clés pour faire tourner l'équipe, et il ne les a plus, auquel cas il doit revenir à ce qui a fait son succès en début de saison dernière (du jeu, de l'envie, de l'allant, de l'intensité, des joueurs hyper hargneux sur tous les ballons, une véritable animation collective destinée à faire mal à l'adversaire), et qu'on a réussi à réaliser avec des joueurs qui ne valaient pas dix millions. Soit il n'a jamais eu les clés (puisque l'équipe n'avait pas assez de vécu à l'époque non plus), et c'était seulement un coup de chance. Je ne crois pas à cette seconde option, mais si RLB ne redresse pas la barre, cette idée va commencer à trotter dans la tête d'un certain nombre de personnes.
A lui de prouver qu'en tant qu'entraîneur, il est capable d'avoir une influence réelle et visible sur son équipe. S'il n'est pas satisfait du jeu produit en ce moment, c'est bien. Ce qui le distinguera des humbles observateurs, dont je fais partie, ce sera sa capacité à changer les choses. On en a connu à la tête du FCL qui sont meilleurs pour commenter que pour entraîner. Résultat, ils sont commentateurs. Je crois fondamentalement que RLB est un entraîneur, alors qu'il entraîne. Et vite.
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