Avec tout le respect que j'ai pour CG et son travail au club, je pense qu'il reste un homme et que d'autres entraîneurs sont susceptibles de proposer quelque chose d'intéressant au club, quoique différent.
Les difficultés de RLB sont explicables à plusieurs titres, et déçoivent compte tenu des promesses affichées et des ambitions de cette saison (avec les moyens pour y parvenir). Pourtant, je pense que le problème est plus large que ça, et qu'il y a des raisons profondes à l'échec répété d'entraîneurs aux profils très différents.
Pour moi, l'arrivée de Casoni a été décisive et a porté un coup terrible au "football autrement", dont Ripoll avait essayé de se faire le gardien, malgré des résultats décevants et un jeu qui peinait à se mettre en place. Mais au moins chez lui, on ne sentait pas cette incohérence totale, ce manque de constance, ce délitement permanent qui est devenu un peu notre marque de fabrique.
Qu'on parle de Landreau, de Pélissier ou désormais de RLB, je trouve que les constats sont quand même souvent semblables. Des joueurs qui peinent à se montrer au niveau physique et technique de leur division, même quand ils semblent avoir des qualités intrinsèques (qu'ils démontrent parfois après leur départ). Une incapacité de l'équipe à "faire bloc", avec cette impression de liquéfaction systématique de l'équipe dès que l'adversaire accélère, alors qu'auparavant on savait très bien évoluer dans un positionnement cohérent, difficile à manœuvrer pour l'adversaire (on parlait même du Moustoir comme d'une forteresse, fut un temps). Une incapacité à déployer un projet de jeu qui soit à la fois clair et ambitieux. Avec Landreau, le projet était ambitieux, mais manquait de clarté (Hamel sur l'aile, Lemoine en second attaquant, beaucoup de remaniements dans l'équipe, les titularisations de Wadja). Avec Pélissier, le projet était clair, mais manquait clairement d'ambition (on bétonne derrière, et on envoie des ballons à Moffi le char d'assaut, et Laurienté la flèche en espérant qu'ils sauront en faire quelque chose).
Avec Le Bris, on retrouve cette même difficulté qu'avait Landreau à clarifier le projet de jeu très ambitieux auquel il aspire. Les ailiers en faux pied comme arme offensive principale (introduits par Casoni avec le repositionnement de Waris, puis poursuivis par Landreau avec Bouanga puis ACM) s'appuient sur une vision très ambitieuse du football (des dézonages, des percussions, des dribbles, des gestes techniques) mais qui manque cruellement de clarté. On le voit avec Faivre, qui a un peu ce profil d'ailier dynamiteur, mais qui rend encore une fois le jeu illisible pour les joueurs et pour les supporters, sans perturber outre mesure l'équipe adverse. Que doit faire l'arrière dans cette configuration ? Comment défendre la zone laissée libre par l'ailier ? Qui doit monter sur le porteur de balle dans une défense à trois ? Comment gérer la profondeur quand les milieux latéraux ne font pas le pressing ? Comment gérer les dézonages dans l'axe quand les responsabilités de nos milieux ne sont pas claires ? Comment gérer les temps forts et les temps faibles quand on n'arrive pas à élargir le jeu pour faire courir nos adversaires ?
Je ne crois pas que Gourcuff était l'entraîneur le plus ambitieux dans sa conception du football, mais je pense au contraire qu'il avait perfectionné l'art complexe de la simplicité. Des déplacements logiques, des transmissions simples, du jeu en mouvement, des joueurs prêts à se rendre disponibles pour un partenaire. En phase défensive, une cohérence d'ensemble destinée à limiter au maximum les déplacements superflus : ces mêmes déplacements qui déstabilisent totalement notre équipe aujourd'hui, et font que tous nos joueurs se font éliminer. La notion de bloc n'est pas une notion complexe et ambitieuse sur le plan individuel, mais c'est au contraire une notion exigeante et rigoureuse qui nécessite énormément de travail pour y parvenir. Les joueurs qui évoluaient en faux pied (je pense à Jouffre, notamment), étaient avant tout des meneurs de jeu, des facilitateurs, capables de trouver les bonnes passes et de donner du souffle à nos attaques par leurs déplacements. En raison de leur profil, les rôles autour d'eux étaient compris et respectés. Les milieux pouvaient leur servir d'appui à la construction, de même qu'un attaquant en décrochage. L'arrière pouvait monter pour déborder et trouver des solutions de centre en sachant que le ballon avait une chance raisonnable de lui parvenir. Quant à la dimension défensive, malgré toutes ses limites physiques, je n'ai pas souvenir d'avoir vu Jouffre se cacher et montrer une véritable nonchalance. Il n'était pas le meilleur, mais j'ai souvenir d'un joueur essayant de faire sa part.
Je pense que le club a besoin, dans son ensemble, de revenir à des choses simples. Des recrutements simples (et pas des joueurs bankable sur lesquels on espère faire un bon bénéfice). Quand on a un joueur comme Meïté qui donne satisfaction, on le garde. Quand il manque un milieu de terrain (Le Fée), on cherche un profil susceptible de compenser son départ, et non un mec au nom ronflant qui fera vendre des maillots et qui augmentera les abonnés sur les réseaux sociaux, mais qui n'amène pas ce dont on a besoin. Dans le jeu, on a besoin également d'un retour à des choses simples : des passes appuyées et dans les pieds, des joueurs en mouvement, moins de touches de balle (c'est à hurler quand on commence à les compter pendant le match), et l'intention à la fois simple et évidente d'aller marquer un but de plus que l'adversaire.
Enfin dans les discours, je crois qu'on a également besoin de revenir à des choses simples. Gourcuff est sans doute l'entraîneur le plus cérébral qu'on ait eu à Lorient, et je n'ai jamais eu l'impression qu'il se réfugiait derrière des notions compliquées pour expliquer une défaite. Même quand on gagnait, il savait pointer du doigt les insuffisances et dire qu'il n'était pas entièrement satisfait de son équipe. Encore une fois, avant l'ambition, il y avait l'exigence. On visait le maintien chaque année, et on produisait un football autrement plus abouti que celui très ambitieux de nos récents entraîneurs. Les concepts et les théories sont toujours intéressantes, mais elles doivent objectiver une réalité, et non masquer l'absence de maîtrise des fondamentaux.
Fondamentaux collectifs (discipline, positionnement, respect des consignes), fondamentaux individuels (hygiène de vie, qualités physiques, niveau technique), et fondamentaux psychologiques (détermination, rage de vaincre, envie de jouer ensemble, sens du sacrifice, volonté de progresser).
On n'est pas moins bons que d'autres dans l'absolu, mais les ambitions des uns et des autres parasitent le bon fonctionnement du club, à tous les niveaux, et cela doit prendre fin le plus rapidement possible, sans quoi on va continuer à vivre une alternance de crises et de brèves respirations qui vont finir par dégoûter même les plus fervents supporters de ce qui n'était, jadis, qu'un simple club de football.
|